Appropriation culturelle

S'il est actuellement un débat que l'on ne peut plus esquiver, c'est celui de l'appropriation culturelle. Mais au fait, de quoi s'agit-il ? Dans cet article, on va essayer de définir l'appropriation culturelle, et analyser ce concept avec des exemples dans l'actualité.
Définition et apparition du concept d'appropriation culturelle
L'appropriation culturelle désigne le phénomène où des membres d'une culture dominante adaptent de manière jugée illégitime des éléments propres à des cultures marginalisées. En ne respectant pas l'origine des éléments culturels utilisés, l'appropriation culturelle se rapprocherait d'un vol d'identité et serait vécue comme telle par les personnes qui s'estiment lésées.
D'après Ijoma Mangold, un journaliste allemand spécialisé sur les sujets de culture, les débats autour de l'appropriation culturelle ont réellement commencé il y a une dizaine d'années. Si on entend ce terme depuis peu, c'est pourtant un phénomène qui existe depuis beaucoup plus longtemps.
Plusieurs niveaux d'appropriation culturelle
Le concept d'appropriation culturelle est interprété de manière très différente selon les personnes et les sujets. Cela donne lieu à des débats parfois sérieux, parfois futiles donnant lieu à des polémiques.
L'appropriation culturelle dans les coiffures
Pour certains, l'appropriation culturelle commencerait dès qu'une personne blanche se fait des tresses. Les tresses étant issues d'Afrique, le fait de les porter alors qu'on est blanc, asiatique ou de n'importe quelle origine autre que l'Afrique, serait considéré par certains comme de l'appropriation culturelle.
Internet alimente l'ambiguïté en montrant plusieurs situations où des personnes blanches sont prises à parties pour avoir porté des tresses africaines ou autres dreadlocks.
Une manière extrême de voir les choses qui amène parfois des situations assez loufoques, notamment sur les réseaux sociaux. En 2015, le basketteur américain des Brooklyn Nets Jeremy Lin dévoile sa nouvelle coiffure : des tresses africaines ou dreadlocks. Le problème : ce basketteur est d'origine taiwanaise et non d'origine africaine. Une contradiction selon certains, qui a amené un autre basketteur, Kenyon Martin, à accuser son compatriote d'appropriation culturelle.
Kenyon Martin et Jeremy Lin à l'origine de l'affaire d'appropriation culturelle
Cette affaire aurait pu en rester là. Mais le basketteur accusé d'appropriation culturelle a posté une photo de l'accusateur arborant un tatouage chinois écrit en mandarin. Largement suffisant pour montrer le paradoxe de la situation et l'idiotie de ce type d'accusation.
Le rock'n'roll et l'appropriation culturelle
L'un des exemples d'appropriation culturelle le plus connus est celui du Rock'n'roll. Si Elvis Presley a popularisé ce genre musical dans les années 50, il n'a en réalité rien créé. De nombreux artistes noirs comme Chuck Berry, Muddy Waters ou encore Little Richards sont en réalité les vrais les pionniers du genre et l'ont créé en s'inspirant de la musique afro-américaine. Notamment à la Nouvelle-Orléans, terre du gospel, du jazz et du blues.
Le Rock'n'roll s'est construit grâce à l'héritage de la musique afro-américaine, notamment du blues amené par les esclaves sur les champs de coton. Alors on peut comprendre la colère qu'on pu ressentir les afro-américain quand ils ont vu leur musique utilisée par des blancs sans mentionner son origine douloureuse.
Aujourd'hui, ce sont des milliards de dollars générés, et très peu sont allés dans les poches des véritables pionniers du genre.
Le cas du voguing
Le voguing est un style de danse qui s'est créé et développé à New-York dans les années 70 puis qui s'est exporté dans le monde entier à partir des années 2000 via la chanson "Vogue" de Madonna. Aujourd'hui, un tas de stars de la pop dont Aya Nakamura, Miley Cyrus et Ariana Grande s'approprient ce style de danse, ce qui provoque des polémiques.
Madonna accusée d'appropriation culturelle
Madonna est régulièrement accusée d'appropriation culturelle
À l'origine de cette danse, des gays latino et afro-américains qui voyaient dans cette danse un moyen d'expression et d'émancipation. À l'époque, il était très compliqué de s'affirmer en tant qu'homosexuel ou queer. Le voguing fait ainsi partie de la culture LGBTQ et fait figure d'étendard dans le combat contre les discriminations.
C'est le fait que certaines personnes reprennent ces codes sans respecter les valeurs ou l'origine de cette danse qui pose problème ici.
Les célébrités et l'appropriation culturelle
Bien souvent, tout commence avec les célébrités et les personnalités publiques. Leur vie privée est régulièrement affichée sur internet et les réseaux sociaux, où les controverses et autres buzz sont monnaie courante.
Les stars de la pop sont les plus visées. Kim Kardashian et ses tresses africaines, Beyoncé et sa tenue traditionnelle indienne pour le tournage d'un clip vidéo, Madonna et l'utilisation du voguing dans ses clips, ces choix ne font pas l'unanimité et entraînent des polémiques qui prennent souvent des proportions importantes.
Les biens matériels du patrimoine et l'appropriation culturelle
Si les exemples d'appropriation culturelle dans le milieu de la musique et de la danse peuvent faire sourire, ce n'est pas le cas du pillage de l'époque coloniale. Durant cette période peu glorieuse, les nations européennes se sont servies dans les trésors des pays colonisés dans toute l'Afrique et ce, durant plusieurs décennies.
Depuis quelques années, certains pays européens se sont engagés à restituer les biens pillés pendant l'époque coloniale. Mais derrière ces beaux discours, les pays spoliés s'impatientent.
Un phénomène qui touche beaucoup de pays
D'après l'universitaire et historienne de l'art française Bénédicte Savoy, rien qu'à Paris, on recense 69 000 objets provenant d'Afrique subsaharienne. Ce chiffre monte à 75 000 pour la ville de Berlin et 70 000 pour Londres. Des chiffres ahurissants qui permettent de comprendre l'ampleur du phénomène. Nos musées européens sont remplis d'art volé.
Les musées et l'appropriation culturelle
Les musées sont régulièrement accusés d'appropriation culturelle
À ce titre, les actions du militant Congolais Mwazulu Diyabanza sont radicales. Il se rend dans des musées comme le Louvre ou le Quai Branly pour s'emparer d'objets d'arts africains en affirmant vouloir les rendre à l'Afrique. Visiblement aucun objet n'a été véritablement restitué à l'Afrique mais ses actions ont eu le mérite d'alerter l'opinion et les médias.
En Allemagne, le collectif d'artistes Frankfurter Hauptschule agit également en ce sens. Durant une exposition dédiée à l'artiste Allemand Joseph Beuys, les militants ont volé une des œuvres de l'artiste pour la remettre à un musée de Tanzanie. En réalité, c''était une mise en scène pour alerter l'opinion sur l'appropriation culturelle et pour faire comprendre ce que signifie ce processus de restitution.
La France en avance sur ses voisins européens dans la restitution des œuvres africaines
Aujourd'hui, le pillage des colonies africaines ne peut plus être ignoré. Dès le début de son mandat présidentiel, Emmanuel Macron a donné son avis sur l'appropriation culturelle. Il souhaite restituer les biens pillés aux colonies africaines. Pour ce faire, il a mandaté l'historienne Bénédicte Savoy et l'économiste Felwine Sarr pour établir un calendrier de restitution. Ces actions sont intéressantes, dans le sens où elles montrent qu'une part croissante de la société civile s'intéresse à ces sujets et que les politiques s'emparent enfin de ces sujets.
Accusation d'appropriation culturelle et xénophobie
Si le sujet des biens matériels du patrimoine est extrêmement important, certains sujets témoignent aussi d'une certaine forme de xénophobie. En refusant de laisser les gens utiliser à leur convenance des symboles d'autres pays, d'autres cultures, on refuse le brassage culturel et la culture elle-même.
Nous sommes fermement convaincus que la culture est belle quand elle est diversifiée et multiculturelle. C'est en réinterprétant les symboles des uns et des autres que l'on fait avancer les choses.
Limiter à ce point l'utilisation des symbole d'une culture ou d'une autre, c'est censurer la culture et la liberté. Et c'est très dangereux car ça joue le jeu des extrêmes qui consiste à enfermer les gens dans des cases.
Un sujet de société important à traiter avec prudence
En résumé, on peut dire que l'appropriation culturelle est un sujet sérieux dans nos sociétés modernes. Aujourd'hui, la société n'a jamais été aussi multiculturelle et pourtant, elle n'a jamais semblée aussi fermée et en vase clos.
Les extrêmes ont le vent en poupe et l'ouverture aux autres n'est pas la priorité. Les accusations d'appropriation culturelle n'aident pas à notre sens. Ce communautarisme exagéré ressemble beaucoup à de la xénophobie et à une certaine forme de racisme. C'est le refus catégorique du métissage finalement.
S'il est utile de comprendre ces mécanismes, il ne faut pas pour autant tout accepter et délaisser nos libertés. La libertés de se vêtir comme bon nous semble, de danser comme bon nous semble, de dire ce que bon nous semble, fait partie intégrante de nos sociétés modernes basées sur la liberté dans toutes ses formes.
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